« Il faut avoir le courage de présenter au spectateur ce qu’il ne sait pas qu’il désire. »
Jean Vilar
POUR QUE VIVENT LES FILMS !
POUR QUE VIVENT CEUX QUI LES REALISENT !
POUR QUE TOUS AIENT ACCÈS À TOUS LES FILMS !
Il faut une véritable politique publique du cinéma en salle
Le Syndicat français des réalisateurs cgt a mené pendant des années un combat, aux côtés de nos camarades techniciens et ouvriers, pour l’établissement d’une convention collective du cinéma s’appliquant à tous. Dans ce cadre nous nous sommes battus pour obtenir un salaire minimum du réalisateur afin que nous puissions vivre de notre métier et bénéficier des mêmes droits sociaux (sécurité sociale, assurance chômage, retraite…) que tous les travailleurs. Nous avons obtenu cette avancée historique dans la Convention collective du cinéma étendue depuis le 1er octobre 2013.
Sous la pression du lobby des producteurs affiliés au Medef, avec la bénédiction des pouvoirs publics, on nous a imposé des limites à ces nouveaux droits : dérogations pour les films à « petits budgets » (fictions de moins de 3,66M€ et documentaires de moins de 0,732M€), exclusion des fictions de moins de 1,22M€… La Convention ne s’applique donc de plein droit qu’à 60% de la production et pourtant les producteurs continuent de se lamenter au prétexte que la Convention va asphyxier les films sous financés sans jamais envisager d’autres solutions que la compression des salaires et la détérioration des conditions de travail.
La solution au problème des films sous financés ne doit pas se faire aux dépens de ceux qui les fabriquent, mais par une réforme audacieuse du fonds de soutien dont l’objectif doit être d’aller vers une redistribution plus juste et plus efficace de la richesse produite.
Mais la défense des films singuliers à petits budgets, quelle que soit la réforme des modes de financement, passe d’abord par une meilleure distribution et exploitation de tous les films. A quoi aurait servi notre combat si les films ne sont pas accessibles au public, aggravant ainsi la paupérisation de productions dont les variables d’ajustement deviennent les salaires, les durées des contrats, les conditions de travail, les temps de fabrication ?
Une dizaine de films occupent chaque semaine plus de 90 % des écrans et ce pourcentage ne cesse d’augmenter.
Un seul chiffre devrait nous alarmer : la part hebdomadaire moyenne des écrans consacrés aux 10 premiers films est passée entre 2008 et 2012 de 87,9% à 92,7% ! Que reste-t-il alors comme écrans pour tous les autres films ? Moins de 8% des écrans chaque semaine. Conséquence : 64% des films font moins de 100.000 entrées en salles et parmi eux 45% moins de 20.000 entrées. Le public commence à peine à entendre parler d’un film que déjà il n’est plus à l’affiche. Conséquence de ces expositions sacrifiées en salles, toute la chaîne économique ultérieure est rompue : sorties télévisions, éditions vidéo ou VOD, exportations…
Notre fameux « système mutualiste vertueux » a subi l’usure du temps. Et le vice a repris le dessus. Spectateurs impuissants d’un désastre annoncé, sommes-nous condamnés à vivre, crise après crise, dans un entre-soi devenu stérile qui finira de mettre à terre le cinéma dans notre pays, le cinéma et tous ceux qui le font.
Non, le Syndicat français des réalisateurs ne se résigne pas à ce cynisme mortifère.
Non, le cinéma français n’est pas menacé dans sa diversité par sa Convention collective.
Non, le cinéma français ne pâtit pas d’un manque d’argent ni de moyens.
Non, le cinéma français ne souffre pas d’un manque de savoir-faire.
Il est temps de repenser aujourd’hui une véritable POLITIQUE PUBLIQUE DU CINÉMA qui ne soit pas qu’un accompagnement du marché.
NOS PROPOSITIONS
1 – NECESSITE D’« OBLIGATIONS PUBLIQUES » PLUS STRICTES POUR L’ACCES AUX SOUTIENS EXPLOITATION (SELECTIFS ET AUTOMATIQUES)
Dans la même logique que celle de « l’agrément » pour accéder au soutien de production, mise en œuvre d’un « agrément d’exploitation » conditionné par trois séries d’exigences :
1a – Pour l’accès au soutien l’automatique
– Programmer 50% de films français, européens et des cinématographies du Sud.
– Limiter à un film par écran les salles multi-écrans.
– Interdire les « marges arrières », c’est à dire engagement de diffusion gratuite des bandes annonces et de l’affichage des films programmés.
– Supprimer le soutien généré par les séances « hors films » (diffusion numérique de captations de concerts, compétitions sportives, etc. en lieu et place de films de cinéma).
– Majorer le soutien pour les films exploités au-delà des 4 premières semaines de sortie nationalepour combattre la rotation accélérée des sorties qui empêche le public d’aller découvrir des œuvres qui ne peuvent exister que dans la durée.
– Respecter l’obligation de contrats de location écrits (prévus par la loi) deux semaines avant les sorties.
1b – Pour l’accès au soutien sélectif
– Doubler le soutien sélectif pour les salles travaillant sur les sorties nationales à moins de 30 écrans afin de mieux valoriser le travail des salles qui s’engagent sur des films à sorties plus « risquées », et qui doivent donc fournir un travail supplémentaire « d’action culturelle » pour les faire exister et conquérir de nouveaux publics. Aujourd’hui, 63 % de tous les films et 70% des films français sont recommandés « Art et Essai ».Les chiffres de l’observatoire de la diffusion démontrent que parmi ces 63%, les films les plus programmés sont ceux à forte notoriété sortant sur un nombre élevé de copies (donc avec peu de risques pour les exploitants).
– Ne pas comptabiliser les films dépassant le million d’entrées pour la « classification salle Art et Essai ». Trop de salles se contentent d’obtenir leur classement en ne sortant que des films Art & Essai « porteurs » (déjà promotionnés par les grands groupes et les médias) et engrangent de ce fait un soutien identique à celui des salles « d’action culturelle » exposant, elles, la grande diversité des sorties plus modestes.
1c – Une définition plus stricte du statut de distributeur indépendant
Exclure du soutien sélectif les sociétés qui ne sont que des filiales de télévisions ou de grands groupes d’exploitation (leurs stratégies « d’offre saturante » occupent un maximum d’écrans dont la raison n’est pas la satisfaction du public en salles mais la maximalisation de l’audience ultérieure du film à la télévision).
2 – LIMITER LA CONCENTRATION VERTICALE
2a – Plafonner à 50 écrans maximum le droit pour un groupe de «mise en communauté d’intérêt» du soutien automatique
Déjà en juin 1989 le Rapport du contrôleur d’Etat Dominique Brault (Président de la commission de la Programmation) analysait qu’« en permettant de reporter d’une salle à l’autre d’un même groupe les droits à soutiens capitalisés, on favorise l’investissement des exploitants qui sont déjà les plus concentrés. Cette pratique dite de » mise en communauté d’intérêts » permet en effet à ceux qui exploitent de nombreuses salles de regrouper leurs droits respectifs à soutien au profit d’un petit nombre d’entre elles, ou à la limite d’une seule salle.(…) Le double effet de concentration et d’iniquité de ce système purement prétorien justifie qu’il soit réformé pour ne plus accentuer le déséquilibre des forces sur le marché cinématographique ».
2b – Taxer l’ensemble du chiffre d’affaire des multiplexes incluant les recettes de publicité et de confiserie pour financer la diversité. Le film n’étant pour ces groupes qu’un « produit d’appel » pour une économie plus large, il est légitime qu’ils soient taxés à la hauteur de l’ensemble de leur activité.
3 – LIMITER LA CONCENTRATION HORIZONTALE
Limiter le temps d’écrans occupés par un même film par zone de chalandise.
Le rapport Brault préconisait qu’« en tout état de cause il y aurait grand avantage à limiter à 25% la part de marché de toute entreprise ou groupe d’entreprises, quelle que soit la forme de leur association. Cette limitation serait vitale à Paris et dans sa banlieue mais pourrait aussi être utilement assurée dans les grandes agglomérations. »
Il faut instaurer un « médiateur distributeurs » qui serait qualifié pourformuler des injonctions de déprogrammation de salles dans le cas où un film occuperait – à lui seul – plus de 25% du temps d’écrans disponibles dans un même quartier ou bassin de population déterminé.
POUR UNE VERITABLE POLITIQUE PUBLIQUE
DU CINEMA EN SALLE
La question posée aujourd’hui aux pouvoirs publics est de savoir si une politique culturelle peut se contenter de n’offrir aux spectateurs que des films « porteurs » promotionnés par la grande industrie.
Ce n’est pas seulement contre les géants d’Internet et d’Hollywood que doivent s’appliquer les principes de « l’exception culturelle » mais au sein même de notre cinéma.
Ce n’est que par le renouvellement de la diversité du cinéma dans son ensemble que l’on endiguera la dégradation constante de l’emploi et des conditions de travail de la grande majorité des ouvriers, techniciens et réalisateurs.
Le SFR-CGT