L’Humanité – 16 octobre 2013

Le cinéma doté d’une convention collective

Adoptée, la convention collective laisse beaucoup de films sur les bas-côtés des droits sociaux.

Aaprès avoir été l’objet de tous les fantasmes de la part d’une bonne partie des producteurs et de bon nombre de réalisateurs, la convention collective peut enfin entrer en vigueur. Le suspense aura duré, un avenant de dernière minute ayant été imposé par les producteurs qui menaçaient, avec l’appui du gouvernement, de faire capoter de nouveaux les négociations.

Le principal syndicat des techniciens, le SNTPTC, l’a signée sans rechigner. Les discussions, au sein de la fédération CGT du spectacle et du cinéma, ont été plus âpres, techniciens (Spiac) et réalisateurs (SFR-CGT) n’étant pas tout à fait raccord. Mais la CGT a signé cet avenant, du bout des lèvres, convaincue qu’il fallait « sortir de l’impasse par le haut », selon les mots de Denis Gravouil, secrétaire général de la fédération qui estime que « le moment est historique. Le cinéma se dote enfin d’une convention collective. Cela faisait trente-deux ans que nous attendions cela ».

Aurélie Filippetti, qui aura usé de tout son carnet d’adresses pour peser dans les négociations, se félicite. Le ministère du Travail aussi qui voyait d’un mauvais œil que la profession ne soit pas régulée. Côté CNC, on se « se réjouit profondément de cet accord » même si, comme le fait remarquer le SFR-CGT, Frédérique Bredin, la présidente du Centre national du cinéma, n’a pas hésité à jouer la carte de la séduction, se disant prête, lors des négociations, à demander à Matignon « d’arbitrer en faveur d’une augmentation de 50 % du crédit d’impôts France pour les films de moins de 
4 millions d’euros », à condition que les syndicats de salariés signent ce fameux avenant. Ce qui fait dire aux réalisateurs CGT : « On financera mieux vos employeurs si vous acceptez de diminuer vos salaires ! »

La convention collective reste une fusée à trois étages. De clause dérogatoire en clause dérogatoire, elle découperait la production cinématographique en trois catégories. Les films au-dessus de 3,8 millions d’euros (123 films, soit 59 % de la production) entrent dans le cadre de la convention collective avec garantie de salaires minima de référence. Les films entre 1,2 million et 3,7 millions (56 films, soit 27 % de la production) bénéficient d’une dérogation. Ils sont couverts par la convention (durée de travail, droits sociaux, etc.) mais les salaires subissent une décote de moins 14 % à moins 51 % selon les postes. Enfin, les films de fiction de moins de 1,2 million d’euros (30 films, soit 15 % de la production), totalement hors grille salariale, dont le Smic sera le salaire de référence. Total de l’ensemble des films à qui la grille des salaires ne s’appliquera pas : 41 %.

Tout accord est le fruit d’un compromis. Pour Denis Gravouil, « nous voulions une convention collective à une seule vitesse. Les réalisateurs ont, pour la première fois, un salaire minimum. Notre objectif est de poursuivre la bataille pour gommer ces disparités ».

Marie-José Sirach

Retour en haut