Note sur la spécificité des réalisateurs et les acquis obtenus par l’action syndicale
1) Le réalisateur – en lien de subordination avec le producteur maître d’ouvrage – est le maître d’œuvre salarié de la production audiovisuelle. Il dirige et coordonne l’activité des personnels artistiques et techniques concourant à la réalisation. ( accord d’étape de Février 2017 qui formalise l’unicité de la définition de fonction du réalisateur audiovisuel dans la CCPAV )
2) Le réalisateur bénéficie de la présomption de salariat édictée par l’article L7121-2 du Code du travail en faveur des artistes du spectacle au titre de l’exécution matérielle de sa conception artistique. (amendement à la « Loi liberté de la création, architecture et patrimoine » ajoutant « le réalisateur », au même titre que « le metteur en scène », à la liste du Code du travail des artistes du spectacle bénéficiant de la présomption de salariat Juillet 2016 )
A ce titre :
– il est assimilé aux artistes du spectacle aux termes de l’article L311-3-15 du (Code de la Sécurité sociale (confirmé par l’arrêt définitif de la Cour d’appel de Paris du 8 octobre 2009) et bénéficie du taux réduit de cotisations à l’URSSAF.
– sa rémunération en « forfaits journaliers » sans référence horaire a été assimilée aux cachets d’artistes par l’article 3 de l’Annexe VIII au règlement général Depuis le décret du 16 décembre 2016, le terme « réalisateur » ne figure plus à l’annexe 8. Les réalisateurs bénéficient désormais de l’annexe 10 qui couvre tous les « artistes du spectacle » figurant à l’article L7121-2 du code du travail.
Sont « artistes du spectacle » ceux et celles dont « l’emploi occupé » figurant spécifiquement sur leurAttestation d’Employeur Mensuelle (AEM) est l’un des suivants (déclinés aussi au féminin) :
« Réalisateur », « Réalisateur cinéma », « Réalisateur de films publicitaires » , «Technicien réalisateur deuxième équipe cinéma », « Réalisateur artistique » , «Réalisateur AV », « Réalisateur de SV », «Réalisateur radio » .
2) Le réalisateur a la qualité d’auteur de l’œuvre audiovisuelle aux termes de l’article L113-7 du Code de la propriété intellectuelle.(extension de la notion d’auteur Juillet 1992 )
Les producteurs s’abritent derrière la « double casquette » du réalisateur (auteur et technicien) et la nécessité de considérer la rémunération du réalisateur « dans sa globalité » pour justifier l’absence d’un salaire minimum pour les réalisateurs. Or ils confondent à dessein deux choses totalement distinctes. D’une part le droit d’auteur (une rémunération proportionnelle à la recette de l’exploitation de l’œuvre) et d’autre part la rétribution du temps de travail conformément au Code du travail. La rémunération du travail est due quelle que soit la fortune de l’œuvre et ne peut en aucun cas, aux termes de la loi, être indexée sur autre chose que le temps et la nature du travail fourni.
La réglementation de l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa N° 8-12/05) distingue ce qui relève du droit d’auteur et ce qui relève du salariat :
« Les travaux techniques du réalisateur rémunérés en salaires correspondant à l’exécution de sa conception artistique comprennent notamment : la collaboration à l’établissement du plan de travail, la recherche et le choix des documents éventuellement nécessaires, le choix des interprètes, la préparation, le tournage, le montage, le mixage et le synchronisme des images et du son et d’une manière générale tous les travaux permettant d’aboutir à l’établissement de l’œuvre définitive ».
Ces spécificités expliquent la difficulté à établir des règles conventionnelles définissant les conditions d’emploi et de rémunération des réalisateurs en qualité de salariés.
Selon les statistiques de la Caisse des Congés Spectacles plus de 30% des réalisateurs de l’audiovisuel perçoivent moins d’un SMIC annuel de salaire ; 16% sont payés à la journée moins qu’un monteur, un assistant opérateur ou un assistant réalisateur et 33% sont payés moins à la journée qu’un ingénieur du son ou un chef monteur, tous placés sous leur autorité.
Historique de la couverture conventionnelle des réalisateurs de l’audiovisuel
1963 : Protocole d’accord entre la Radiodiffusion-Télévision Française (RTF) et les Réalisateurs de télévision.
1972 : Protocole d’accord entre l’ORTF et les Réalisateurs de télévision
1977 : Convention collective des Réalisateurs de télévision travaillant directement ou en façonnage pour les Sociétés nationales de télévision et l’INA
1984 : Convention collective des Réalisateurs de télévision pour les productions des Sociétés nationales de programme, la SFP et l’INA et pour toutes les coproductions dans lesquelles ces sociétés apportent une participation prédominante
1992 : Dénonciation de la Convention collective par les employeurs
1994 : Expiration de la Convention collective des Réalisateurs de télévision à l’issue de deux années de négociation infructueuses.
Les réalisateurs ont donc bénéficié d’une couverture conventionnelle pendant 34 ans fixant des salaires minima en fonction de la nature de leurs réalisations.
Rapport sur la situation sociale des réalisateurs de l’audiovisuel de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) – « Rapport Lagarrigue ».
Pour combler le vide conventionnel des réalisateurs, le rapport envisage, sans conclure, plusieurs solutions :
- rattacher les réalisateurs aux journalistes
- rattacher les réalisateurs aux techniciens qu’ils encadrent
- rattacher les réalisateurs aux artistes-interprètes qu’ils encadrent
- établir une convention spécifique de la profession
1996 : CMP présidée par M. Pierre Mérieux pour la négociation d’une Convention collective des réalisateurs de l’audiovisuel (public et privé). En novembre 1996 accord sur la définition de fonction entre le public (AESPA), le privé (USPA), la CGT, la CFDT et FO.
1997 : L’USPA demande le rattachement des travaux concernant les réalisateurs à la négociation en cours concernant les « techniciens de la production audiovisuelle sous CDD d’usage » (public et privé).
En juin 1997 fin des travaux de la CMP réalisateurs et création d’un groupe de travail « réalisateurs » dans le cadre de la CMP des techniciens intermittents.
2001 : Rapport au parlement de M. Serge Kancel de l’Inspection général de l’administration des affaires culturelles sur la situation sociale des réalisateurs de télévision en application de l’article 83 de la loi du 1er août 2000 sur la liberté de communication. Le rapport note que le groupe de travail « réalisateurs » a marqué des avancées quant à la grille de rémunérations centré sur le niveau de responsabilité du réalisateur selon le type d’émission.
2002 : Alors qu’un accord est sur le point d’être signé avec l’USPA, celle-ci retire le texte qu’elle avait proposé à la signature et son délégué général, apparemment désavoué par son assemblée générale, quitte ses fonctions.
2004 : À la suite de la crise des Assedic, le ministère du travail demande un redécoupage des branches et la CMP des techniciens intermittents (public et privé) est remplacée par une CMP de la production audiovisuelle (privée). Le groupe de travail réalisateurs poursuit ses travaux sous la présidence de M. Gaspard Gantzer puis de M. Charles-Louis Molgo.
2006 : La Convention collective nationale de la production audiovisuelle est signée le 13 décembre 2006. Les travaux du groupe de travail « réalisateurs » étant toujours en cours il est décidé que leur résultat fera l’objet d’une annexe n° 1 prévue dans le texte conventionnel.
29 avril 2010 : Les négociations sont rompues après que l’AFPF et le SPI ont proposé au nom du collège employeurs leur « ultime proposition à prendre où à laisser » qui stipule :
« – Documentaires de création hors chaînes historiques
– Productions d’Oeuvres audiovisuelles de courte durée toutes chaînes
(inférieures à 26 minutes)
– Tous genres de programmes pour Internet
Pas de salaire minimum conventionnel »
19 janvier 2012 : Parallèlement, la Convention collective nationale de la production cinématographique est signée après sept ans de négociations. Cette convention comporte un chapitre spécifique (chapitre 10 du Titre II) consacré aux conditions d’emploi des réalisateurs et fixant pour la première fois dans le cinéma des salaires minima pour cette profession. Ce texte a été négocié au sein d’un groupe de travail ad hoc qui a siégé pendant trois ans et demi. La convention a été étendue le 1er octobre 2013.
- 7 octobre 2015 : Une nouvelle Commission Mixte Paritaire de la Convention audiovisuelle se réunit. Son président, Pascal Geiger (ancien inspecteur du travail), a déclaré qu’il avait été mandaté (à notre demande / SFR-CGT) pour organiser la négociation de l’Annexe réalisateurs de la Convention collective qui reprend son cours après sa rupture en 2010.
- 15 Février 2017 : Signature d’un accord d’étape qui formalise l’unicité de la définition de fonction du réalisateur audiovisuel (fiction/documentaire/flux) et définit la structure de son contrat. (accord étendu le 16 Février 2018 )
De 2017 à 2019 puis 2023 : les positions entre employeurs et salariés sont très éloignés pour le salaire du réalisateur audiovisuel…
La crise sanitaire interrompt la négociation en 2019, elle reprend en 2020 en se consacrant au réalisateur de fiction un secteur économique plus normé que le documentaire et le flux. Le SFR-CGT (qui a intégré dans sa délégation syndicale U2R comme expert professionnel) a évalué selon les trois secteurs principaux (documentaire, fiction, flux) un minimum journalier de référence autour de 300 euros équidistant à l’ensemble des secteurs en vertu de la fonction de maître d’œuvre du réalisateur forcément mieux rémunéré que le technicien qu’il encadre…
. Le collège employeur a proposé un accord interprofessionnel fixant un montant de rémunération globale minimale pour les réalisateurs (salaire + droits d’auteurs ). L’ensemble constitue une garantie de rémunération minimale pour les réalisateurs dont une fraction ne pourra être rémunérée qu’en salaire conformément à la pratique professionnelle depuis plusieurs années.
Après négociation nous obtenons le niveau de salaire requis et des assurances juridiques sur la nouvelle architecture de la rémunération du réalisateur de fiction avec l’intégration du droit d’auteur dans l’enveloppe minimale de rémunération. Nous acceptons de signer en 2023, vingt ans après un vide juridique.
Nous poursuivons actuellement la négociation de l’annexe réalisateur de la CCPAV pour définir dans le nouveau cadre juridique de l’accord fiction une rémunération minimum pour les réalisateurs de documentaires.
SFR-CGT