Convention collective cinéma : l’heure de vérité

Convention collective cinéma

 

L’HEURE DE VÉRITÉ

Une convention pour seulement 45 % de la production ?

 

La convention collective du cinéma s’applique, par arrêté du ministère du Travail, depuis le 1er octobre 2013 pour les films de fiction de plus de 2,5M€ et les documentaires de plus de 1,5M€.

Elle s’appliquera aussi aux films de fiction de moins 2,5M€ et aux documentaires de moins de 1,5M€ dès la mise en place de la commission de dérogation (le règlement intérieur de la Commission de dérogation a été signé le 27 septembre).

A la demande des organisations de producteurs non signataires (APC, UPF, SPI), l’Elysée, le ministère de la Culture, et surtout le CNC, exercent aujourd’hui une énorme pression sur les syndicats de salariés pour les amener à signer avec les syndicats de producteurs un avenant modifiant la convention qui viderait le texte de sa substance.

 Le ministère du Travail menace même de prendre un arrêté annulant l’extension de la convention si les syndicats n’acceptent pas les exigences des producteurs APC, UPF et SPI qui ont rédigé un avenant en révision de la convention, soumis à signature le lundi 7 octobre.

 Que dit précisément cet avenant ?

 – le seuil dérogatoire pour les fictions est relevé à 3,8M€ (au lieu de 2,5M€)

– le quota des 20% de films dérogatoires est calculé sur l’ensemble des films agréés, y compris les co-productions à majorité étrangère, et non plus seulement sur les films d’initiative française (cela représente 56 films au lieu de 42).

– la durée du quota est renouvelable au lieu d’être limitée à 5 ans.

– plus de 80% des documentaires (28 films de moins de 0,75M€) sont en dérogation en plus du quota de 20% de films dérogatoires.

– les fictions de moins d’1,25M€ (environ 30 films) sortent de la grille des salaires et une négociation doit en six mois établir une annexe spécifique les concernant (donc un troisième niveau de salaire forcément en dessous du niveau dérogatoire et proche du SMIC).

 Ce serait donc au moins 114 films sur le total de 209 films qui échapperaient à l’application du tarif conventionnel normal. 55% de la production !

 Une convention collective qui ne s’applique qu’à 45% de la production est-ce une convention collective ? Est-ce pour cela que nous avons lutté et négocié pendant sept ans ?

 Nous avions signé un texte qui était déjà un compromis. Nous avions accepté que 20% des films d’initiative française puissent bénéficier de tarifs dérogatoires (selon le poste, de moins 10% à moins 51% pour le réalisateur) pendant une durée transitoire de cinq ans. C’était donc une convention collective qui couvrait à terme toute la profession. Et n’oublions pas que nous avons obtenu l’avancée historique pour laquelle nous combattions depuis vingt ans : le salaire du réalisateur.

 Aujourd’hui on nous propose simplement de cautionner et de rendre réglementaire par le biais de la convention la situation actuelle : un cinéma à trois vitesses où les moins chanceux n’arrivent pas à vivre de leur métier :

  • salaire correct sur les gros films

  • -20% à -50% sur les films moyens

  • salaire de misère sur les petits films

 Le gouvernement nous dit : si vous ne signez pas il n’y aura pas de convention du tout ! Ca sera la catastrophe ! Mais la catastrophe c’est la situation d’aujourd’hui qu’on ne veut pas perpétuer.

 Si vous ne pliez pas, nous menace le ministère du Travail, nous prendrons un arrêté annulant l’arrêté d’extension du 1er juillet. Ce serait du jamais vu. Un gouvernement, de gauche de surcroît, qui annule une convention collective ! D’autant plus extraordinaire que le Conseil d’Etat, saisi en référé, a décidé qu’il n’y avait pas lieu de suspendre l’extension de notre convention.

 Nous ne sommes pas rigides. Nous avons accepté une dérogation transitoire pour 20% des films d’initiative française (les fictions de moins de 2,5M€ et les documentaires de moins de 1,5M€). Pour répondre au gouvernement et aux producteurs non signataires nous acceptons que le seuil de dérogation pour les fictions passe à 3M€ et nous proposons de baisser, par réalisme, celui des documentaires à 0,5M€.

Mais la convention doit couvrir au moins 80% de la production pendant la période transitoire. Nous continuerons à défendre le principe inscrit dans la loi : A travail égal, salaire égal !

 Il y a un problème de sous financement. Nous en sommes pleinement conscients et les premiers à en souffrir, mais c’est aux pouvoirs publics, au CNC, aux producteurs de trouver les solutions. Cela ne peut pas se faire au prix des salaires. Nous revendiquons le droit de vivre de notre métier.

 Pour faire bonne mesure les syndicats de producteurs ont ajouté une exigence supplémentaire à leur projet d’avenant : la baisse des taux de majorations et de cumuls de majorations pour heures supplémentaires des ouvriers et techniciens. Cela n’est évidemment pas propre aux « films de la diversité » qui préoccupent tant l’Elysée et les ministères, mais concerne tous les films. Le SFR sera évidemment solidaire des ouvriers et techniciens dans la défense de leurs salaires.

 Maintenant chacun prendra ses responsabilités : le gouvernement, les producteurs, les syndicats de salariés. Le SFR-CGT prendra les siennes. Nous ne sommes qu’une petite partie du collège salarié et c’est la position des syndicats de techniciens qui sera déterminante, mais cela ne nous empêchera pas d’exprimer fortement notre point de vue particulier à la table de « négociations » en solidarité avec nos camarades de la CGT.

 Une assemblée de nos syndiqués déterminera mercredi soir la position que nous prendrons par rapport à la signature du texte définitif qui nous sera soumis lundi 7 octobre.

 Paris, le 5 octobre 2013

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